En 1911 un train déraille faisant un mort et plusieurs blessés
Un terrible accident de chemin de fer s’est produit le samedi 25 novembre 1911 vers 9h50 entre la station de Tourrettes et celle de Vence. Le train numéro 3 avait quitté la gare de Draguignan le matin à 5h25 pour se rendre à Nice (arrivée prévue à 11h) en passant par Grasse .Ce train était conduit par M Jérémie RODILLAT, mécanicien et M Henri GIRAUD, chauffeur. Le convoi qui venait de quitter la gare de Tourrettes se composait de deux voitures de 1ère et 2ème classe et d’un fourgon à marchandises.
Le déraillement du train
Après avoir franchi le viaduc de La Téolière le train allait s’engager, à la hauteur du quartier dénommé Malherbe, dans un défilé lorsqu’un important éboulement se produisit. Trois énormes rochers se détachèrent du talus :
le premier toucha le côté gauche de la machine, le deuxième fut heurté par le tablier de la locomotive qui le traîna sur plusieurs mètres avant de lui passer dessus ce qui entraîna le déraillement de la locomotive et du tender et le troisième rocher ,le plus gros, démolit une partie de la voie. Malgré la tentative désespérée du mécanicien pour immobiliser le convoi, la locomotive et le tender se couchèrent sur le côté droit de la voie en bordure d’un ravin très profond.
Les victimes
A la suite de ce violent choc, le mécanicien chuta sur la voie et malheureusement sa jambe droite se retrouva coincée sous la locomotive, le chauffeur quant à lui fut blessé au pied gauche par le tender. Une fois le train immobilisé des voyageurs sortirent des wagons pour venir porter secours aux deux cheminots .Si pour le chauffeur la blessure au pied ne présentait pas de gravité, il en était tout autrement pour le conducteur M RODILLAT. Avec beaucoup de mal et d’infimes précautions, ils réussirent à dégager sa jambe gauche et constatèrent qu’elle était presque entièrement sectionnée à deux endroits : à la cheville et à la cuisse, seul un morceau de ligament la retenait au haut de cuisse. Malgré la gravité de ses blessures, M RODILLAT qui était resté conscient fut évacué à la gare de Vence où le docteur BINET l’examina et prit la décision de le faire transférer de toute urgence à l’hôpital Saint-Roch de Nice. Un train spécial se chargea de son évacuation, toutefois durant ce transport son état s’était détérioré et à son arrivée à Nice vers 11h la situation était désespérée. En ce qui concerne M GIRAUD sa blessure au pied ne présentait pas de gravité, les docteurs TROUVE et ORIOL l’autorisèrent à regagner Draguignan par le train du soir .Avant son retour dans son foyer le docteur PERRIMOND venu de Vence l’examina une nouvelle fois en fin d’après midi.
Un détail qui prête à sourire malgré le caractère dramatique de l’évènement, dans la chute au milieu des broussailles, les vêtements du chauffeur n’ont subi aucune déchirure, par contre tous les boutons de sa veste, de son gilet et de son pantalon ont été arrachés on ne sait comment. Sur les 30 passagers que comptait le train cinq autres blessés sont à déplorer : deux employés de la Compagnie des chemins de fer MM MARTIN et CHARAVIN, M ROSTAN négociant à Beausoleil, M BONIFFACY maire de La Gaude et une dame habitant Roquefort.
La mort du mécanicien
Vers les 18 h un train venu de Nice apporta la triste nouvelle de la mort du mécanicien M RODILLAT. Ce dernier qui avait du être amputé n’avait malheureusement pas survécu à ses terribles blessures et était décédé à l’hôpital de Nice à 14h30.Son épouse qui avait été prévenue le matin arriva à Nice à 21 h pour apprendre le décès de son mari.
Ouverture d’une enquête
A la suite de cet accident la gendarmerie du Bar sur Loup, représentée par le Marechal des logis, MAESTRACCI et un autre gendarme, se rendit sur place pour ouvrir l’enquête préliminaire. Peu de temps après ils furent rejoints par le commissaire de la surveillance administrative de la Compagnie. Vers 17 h arrivèrent le juge d’instruction M PEILLON et le substitut du procureur de la république M MAURIN pour interroger toutes les personnes présentes au moment de l’accident y compris M GIRAUD le chauffeur qui se trouvait encore sur les lieux. Parmi les témoins, citons le récit de M Alexandre GEOFFROY, propriétaire à Tourrettes ,qui travaillait sur son terrain situé à 200 mètres de l’accident :
» Avant le passage du train je n’ai entendu aucun bruit d’éboulement . Comme le train sifflait dans la tranchée ,où la ligne forme une courbe prononcée, je relève la tête et je n’ai pas plus tôt aperçu la fumée que je vois de gros blocs de pierre s’ébouler et la machine culbuter sur le talus ; j’accours et en compagnie de plusieurs personnes ,nous dégageons le mécanicien qui avait la jambe écrasée entre un bloc et la locomotive ».
Ce témoignage attestait que l’éboulement s’était produit au moment du passage du train et qu’en conséquence le mécanicien ne pouvait rien faire pour éviter ce drame.
Perturbation du trafic des trains
La Compagnie se chargea de l’acheminement des voyageurs jusqu’à la gare de Vence où les voyageurs purent prendre un autre train pour les acheminer à Nice. Durant toute la journée les trains ont subi d’importants retards .Ainsi à Vence le train de 18h n’est parti qu’à 20h30 pour arriver à Nice à 21h 45 au lieu de 19h15.En début de soirée un train spécial achemina du dépôt de Draguignan une équipe de 10 ouvriers avec le matériel nécessaire pour remettre la locomotive sur les rails et procéder à la réfection de la voie.La circulation des trains fut rétablie dès le lendemain matin.
La disparition de M RODILLAT a produit une vive émotion au sein de tous les cheminots, cet agent était très estimé par ses collègues, il travaillait à la Compagnie depuis plus de 20 ans, âgé de 46 ans, il a laissé une femme et une fille de 17 ans.
Philippe Bensa