Supplique du bon peuple de Tourrettes à Monsieur le Préfet
Le 21 juin 1867, une lettre calligraphiée de belle facture est envoyée au Préfet des Alpes-Maritimes par les habitants de Tourrettes : c’est un appel à l’aide devant une épidémie qui frappe le village.
Quelques extraits : «Depuis trois mois une maladie épidémique décime les pauvres habitants de Tourrettes-lés-Vence, presque tous sont frappés et rien ne nous fait espérer que nous rentrions bientôt dans les conditions normales de salubrité qui sont ordinairement celles de notre commune »… « Déjà les bras manquent à la terre et bientôt le pain au foyer »… « Les médecins de Vence sont admirables de dévouement pour nous, mais ils ne sont pas dans nos murs »… « Nous jetons vers vous notre cri de détresse et nous vous supplions humblement de faire pour de misérables malades ce qu’une main auguste a déjà fait pour d’autres infortunés, nos cœurs vous béniront ».
De quoi s’agit-il ? Le docteur Spitalier, mandaté par le Sous-préfet de Grasse, rédige un rapport sanitaire de la situation. A la fin du mois de février 1867 une épidémie de variole et de luette se déclare dans le village. En quatre mois prés d’une centaine de Tourrettans sont contaminés. Le nombre des décès est de huit – six femmes et deux hommes- dont deux n’étaient pas vaccinés. Il cite le cas d’une famille où la mère et ses trois fils sont atteints, deux des garçons non vaccinés meurent. Il explique cette épidémie pour deux raisons : un défaut de rigueur dans le suivi des vaccinations et un manque d’hygiène dans les conditions de vie, en particulier une population entassée dans des maisons insalubres. Il préconise de prendre des mesures fermes pour remédier à ces causes, relancer la vaccination et surtout faire comprendre aux habitants l’importance vitale d’appliquer au quotidien des règles d’hygiène simples.
Fin juillet, l’épidémie est pratiquement terminée, la commune ne connaîtra plus une telle situation avant 1918 quand la grippe espagnole touchera le village.
La supplique au Préfet rappelle celle qui pouvait être faite au seigneur ou au bon Roi quand le peuple était en souffrance, le Préfet représentant de l’Empereur est porteur d’espoir. Elle est signée par tous les Tourrettans sachant écrire. Sur le document 70 noms peuvent être dénombrés.