……… et Tourrettes-sur-Loup:
Un demi-siècle d’amitié en musique
Louis Bessières est arrivé à Tourrettes s/Loup après la guerre, à son retour du Brésil, où il avait découvert les rythmes de la bossa nova et du jazz aux côtés du compositeur Paolo Silva. La France se reconstruit alors en écoutant les chansons de Barbara, Moustaki, Montand, Vian, Mouloudji, Reggiani… La musique, c’est lui. Louis Bessières les rencontre tous, travaille avec eux, et il compose de la musique « populaire » tout comme de la musique de films avec Prévert ou Marc Allégret, de la musique « classique » (quatuors pour clarinettes), et il met en musique des poèmes (Apollinaire, Rimbaud…).
Il a traversé le siècle (1913-2011) en artiste passionné par la musique qui était, disait-il, « son langage universel». Quelques jours avant sa mort, quand on disait à Louis Bessières avoir entendu siffler « Les Loups » dans les Jardins du Luxembourg, ou même fredonner « Les Baladins » dans le quartier français de Shanghai, il répondait : « Tout cela ne me rendra pas immortel !». Avec son humour décalé, lui qui se proclamait « Bac – 5 », il regrettait parfois ne pas avoir fait LE Conservatoire, mais il admettait aussi que trop de formation académique eut asséché son inspiration et sa liberté.
Sa maison de Tourrettes résonnait de son piano ou d’enregistrements d’accordéon ou de clarinette, mais aussi d’anecdotes sur les colères de Reggiani ou les lubies de Prévert, ou de discussions enflammées sur le théâtre ouvrier du Groupe Octobre dont il avait composé l’hymne Marche ou crève, avec Gazelle, sa première femme, puis Renée, discrète et attentive. La mise en vente de sa belle maison de la Grand’ Rue l’avait beaucoup affecté ! Lors d’un tout dernier échange, il avait conclu : « A Tourrettes, le bonheur est un devoir moral ».
Michel Henry Bouchet
(Photos : Christine Bouchet)